Parler d’argent : pourquoi est-ce un tabou ?


Quel est ton salaire ? Combien gagnes-tu ? Voilà quelques-unes des questions les plus taboues. Cet inconfort face aux questions financières ne date pas d’hier au Québec. Parler d’argent peut créer de profonds malaises. C’est donc la question la plus bannie du vocabulaire. Oui, sur l’argent, c’est clair, le silence est d’or !

 
Que l’on soit riche ou pauvre, discuter argent reste tabou. Pour beaucoup, notre rapport à l’argent est pris entre trois attitudes: le dédain du noble pour cette monnaie indigne de lui, la méfiance du clerc pour cet argent qui détourne du royaume des cieux et la suspicion du protestant envers le pauvre et la pauvreté. Comment dès lors parler sereinement d’argent?


Une culture qui s’entretient !


On cantonne souvent nos enfants à la gestion de leur argent de poche, estimant que c’est bien assez. Pas étonnant qu’ils s’inventent des histoires lorsqu’ils voient leurs parents tard le soir, calculette à la main, papiers étalés sur la table de la cuisine, parfois en parlant fort, au moment de parler des factures.

 
S’occuper d’argent devient alors, une activité grave et intime, réservée aux adultes, et qui provoque des conflits de couple. Les enfants n’ont qu’à se tenir loin


Alors oui, évoquer "son" argent reste tabou. Les sociologues affirment que nos ancêtres paysans cachaient jalousement leurs économies pour éviter de se les faire voler. Ce malaise à du coup de lourdes conséquences. Comment s’étonner dès lors, que nos hommes politiques ne cessent de surfer sur la vague, quand vient le temps de parler de leurs patrimoines.

 
Dans une société libérale, où l’argent occupe une place fondamentale, ne pas pouvoir en parler tranquillement est une vraie gêne. L’impératif, «évitons de parler d’argent!» empêche ainsi, beaucoup de vrais débats économiques et politiques.

 
Aux origines du tabou!


Certains chercheurs y voient l’influence de la religion. Les pays anglo-saxons, de culture protestante, sont plus coopérants sur le sujet. Rappelons, qu’il n y a pas si longtemps, une femme ne pouvait pas ouvrir de compte en banque seule?! La révolution féministe est heureusement passée par là mais l’argent reste associé au pouvoir, même dans un couple.

 
Plus encore en cas de divorce et de famille recomposée. Il tend aussi presque systématiquement les relations au sein des fratries au moment où les parents quittent la scène. Pour élucider cette grande question, l’historienne Catherine Tourangeau nous a fait un tour d’horizon pour répondre au fondement de ce tabou.

 
Elle mentionne d’emblée qu'au Moyen-Âge posséder beaucoup de richesse avait une connotation négative en raison des messages véhiculés par la religion. Comment se fait-il qu’aujourd’hui il y ait encore une « démonisation » de l’argent alors que la religion n’est plus au premier plan au Québec?

 
Selon l’historienne, même si l’Église catholique n’a plus le prestige qu’elle a déjà eu, la culture québécoise demeure pétrie de catholicisme. C’est la raison pour laquelle le fait de parler d’argent est encore mal vu.

Reste que si on se met à valoriser ce que nous sommes, nos valeurs, plutôt que le salaire qu’on touche, on n’aura peut-être plus de raison d’avoir honte de ce que l’on gagne.